Entretien avec Muriel et Freddy Salem – Vincent Honoré

D’où vient le nom de la collection ?

Muriel Salem : Il s’agit d’un choix à la fois administratif et de principe. Nous n’avons jamais voulu associer notre nom à la collection, et ce afin d’introduire une distance et garantir ainsi une ouverture et une neutralité qui nous paraissaient souhaitables si nous voulions partager nos choix.

Quelle est la première œuvre que vous avez acquise ?

MS : Notre première acquisition a été Now I’ve Got Real Worry (Storage Unit) de Martin Boyce, découvert à la Jerwood Gallery de Londres en 2000. Avant de nous lancer, nous avons entrepris un important travail de recherche en visitant les musées, les project spaces et les galeries. L’œuvre de Martin Boyce se distinguait de tout ce que nous connaissions auparavant ; ce n’était pas une sculpture mais la réinterprétation d’un meuble des Eames, un geste très novateur et intrigant. Plus tard, nous sommes devenus amis avec le Modern Institute, la galerie de Martin Boyce à Glasgow, et nous avons acquis d’autres de ses œuvres.

Avez-vous vécu avec cette pièce ? Est-elle toujours présente au sein de la collection ?

MS : Oui, nous avons vécu avec elle un certain temps bien que nous ne l’ayons installée que plus tard. Martin Boyce est un artiste que nous avons suivi par la suite, notamment en soutenant son exposition No Reflections au pavillon écossais lors de la 53ème Biennale de Venise en 2009.

Aviez-vous l’ambition de commencer une collection dès vos premières acquisitions ?

MS : Ce souhait était présent dès le départ, même si nous n’avions pas idée du genre de collection que nous voulions, ni ce qu’elle deviendrait. Vous dites « collection » mais il s’agissait plutôt pour moi de développer une « histoire », ce qui explique pourquoi nous avions dès le début sollicité Andrew Renton comme curator : c’était vraiment un travail d’équipe. Il nous a aidés à interpréter les œuvres, nous a guidés et éduqués à l’art le plus contemporain.
Freddy Salem : À cette époque, nous avions une ambition sans vision très claire. Andrew a inauguré ce processus d’éducation en nous expliquant qu’on pouvait constituer une collection, qu’il y avait des groupes d’artistes, des œuvres qu’il fallait essayer de comprendre et avec lesquelles il nous a aidés à nous familiariser.

Deux dynamiques semblent motiver la collection à ses débuts : d’une part, la volonté d’apprendre – vous avez parlé de la collection comme d’un outil de savoir, de connaissance et d’apprentissage – et, d’autre part, la question de l’inscription dans un territoire avec Andrew Renton, curator et enseignant à Londres, et Martin Boyce, artiste écossais.

MS : Absolument, c’était une façon de s’intégrer, d’appartenir, de comprendre une culture et d’en faire partie. Martin Boyce, en 1999, est un jeune artiste.

La collection était-elle davantage portée sur l’émergence ?

MS : Tout à fait. Pendant les cinq ou six premières années, nous nous sommes investis exclusivement dans la scène anglaise émergente en acquérant les premières œuvres de Rebecca Warren ou des photos de Sarah Lucas. Nous nous sommes également intéressés à la peinture, je pense aux Gloss Paintings de Gary Hume ou aux tableaux de Glenn Brown.

Ce qui explique cette importante présence d’artistes britanniques dans la collection qui, depuis, s’est diversifiée puisque vous êtes allés explorer d’autres territoires.

MS : Oui, c’est tout à fait normal. Nous avons commencé localement et ensuite, les conversations avec les artistes et leurs galeristes nous ont introduits à la scène allemande. En réalité, toute cette génération d’artistes anglais ne regardait que vers l’Allemagne.
FS : Ce qui nous a amenés à cette grande découverte : l’œuvre de Martin Kippenberger !

À quel moment Kippenberger a-t-il fait irruption dans la collection ?

MS : Kippenberger était là depuis le début, c’est un artiste complexe. Son travail exige du temps pour le comprendre. Un de nos regrets est de ne pas avoir choisi différemment les œuvres de Kippenberger, parce qu’à l’époque nous aurions pu avoir accès à d’autres pièces encore plus importantes. Il faut parfois un peu de temps avant de bien saisir l’œuvre d’un artiste, surtout quand celle-ci est aussi complexe que celle de Kippenberger.

Au début des années 2000, le marché de l’art n’est pas celui d’aujourd’hui. Entre 2000 et 2008 à Londres, beaucoup de collectionneurs ouvrent des fondations : Parasol Unit, Zabludowicz Collection, David Roberts Art Foundation. C’est un moment d’émulation parmi les collectionneurs attirés par les artistes émergents, qui visitent les ateliers, les graduation shows… Après 2008, s’opère un changement un peu brutal, marqué par la crise économique, où la plupart des collectionneurs se tournent davantage vers des artistes plus confirmés.

MS : Je ne crois pas qu’on y ait vraiment réfléchi en ces termes. Notre évolution a été plus organique : partir de ce qui était proche de nous pour progressivement s’ouvrir vers le monde, par des connexions humaines et esthétiques. C’est une aventure dans laquelle nous sommes toujours engagés vingt ans plus tard.

À partir d’un certain moment, les collections parfois nous échappent, parce qu’elles se collectionnent elles-mêmes, nous obligent à avoir des réserves pour conserver les œuvres…

MS : … et les problèmes commencent ! Dès lors, on prend conscience de l’autre aspect de la collection : la responsabilité. Ce n’est plus un caprice, c’est un engagement.

Vingt ans plus tard, la collection existe encore et vous êtes toujours actifs. On peut la penser comme un paysage : elle ne se complète jamais, elle s’étend ou se résorbe, elle vit au rythme des acquisitions. Depuis quelques années, il semble que vous explorez de nouveaux territoires en allant vers des pièces plus historiques et vers des femmes artistes comme Marisa Merz ou Alice Neel.

MS : Nous avons toujours fonctionné de cette manière. On prend un sujet qui nous intéresse, on l’analyse, on le creuse, on s’engage. Quand on nous demande s’il y a un fil conducteur à cette collection, je tendrais plutôt à dire que non. Il y a une cohérence qui tient à notre évolution personnelle autant qu’à un apprentissage continu.

Quel est votre chef-d’œuvre ?

MS : Ah, le chef-d’œuvre ? Le quadriptyque de Polke que vous allez exposer est quand même un de nos grands coups de cœur. Nous l’avons attendu longtemps. On parlait de Polke, on guettait l’occasion d’en acquérir un, et un jour…
FS : Un jour nous recevons un appel de Michael Werner, son galeriste, qui nous informe qu’il va présenter quatre Polke à Miami.
MS : Il nous dit que Polke l’a contacté et qu’il veut absolument sortir ces quatre toiles de son atelier. Je ne pensais même pas aller à la foire de Miami mais j’ai décidé que, pour un Polke, cela valait la peine. En vingt-quatre heures, nous avons pris nos billets, nous sommes arrivés à Miami, les œuvres nous ont été présentées, et nous avons dit : « oui ».
FS : On ne pouvait pas résister !

Ce sont des acquisitions qui peuvent paraître spontanées mais qui ne le sont pas en réalité ?

FS : On attendait le moment…
MS : On ne savait pas si le moment allait se présenter. En fait, on ne sait jamais ce à quoi on va pouvoir accéder. On a des désirs et puis la vie décide.

D’autres œuvres de peintres allemands de la même génération sont présentes dans la collection, les trois Albert Oehlen, par exemple, montrées dans l’exposition. Avez-vous fait l’acquisition de ces tableaux à la même période ou plus tard ?

MS : Oui, au même moment. Nous avons commencé avec Kippenberger. Nous avons acheté de nombreuses œuvres lors de ventes aux enchères. Des galeristes comme Gisela Capitain, Max Hetzler ou Bärbel Grässlin nous ont aussi guidés. J’ai eu le privilège de passer une journée avec Richter dans son atelier, toute seule, assise sur une chaise pendant qu’il peignait ses Cage Paintings. Cela a été un moment incroyable. Je ne réalisais pas, à l’époque, la chance que j’avais de vivre ces instants privilégiés.

La collection est aussi une série de rencontres avec les artistes ?

MS : Oui, mais moins pour nous que pour d’autres collectionneurs. Je reste assez timide et réservée avec les artistes. Je crois que je les place sur un piédestal, j’ai un profond respect pour eux. À moins d’y être invitée, l’atelier d’artiste est pour moi un endroit très intime. Je trouve un peu indécent de la part des collectionneurs de toujours vouloir y pénétrer. Je suis peut-être un peu old-fashioned à ce sujet. Cependant, on a quand même eu des moments assez étonnants dans des ateliers d’artistes. Par exemple, nous avons toujours apprécié Charles Ray, et passer une journée avec lui et sa femme nous a vraiment permis d’aller plus loin dans la compréhension de son travail. Il a fallu signer un accord de confidentialité à l’arrivée, on s’est alors rendu compte que nous étions entré dans une sorte de sanctuaire privé. Nous devions y passer une petite demi-heure et finalement on y est resté la journée ; c’est devenu une toute autre expérience.

Plusieurs artistes réapparaissent dans la collection au fil des années, notamment Karen Kilimnik, Raymond Pettibon ou Lali Chetwynd. Suivez-vous systématiquement l’évolution des artistes que vous collectionnez ?

MS : Oui, c’est important. Parfois, on dévie légèrement puisqu’on se retrouve dans une autre histoire, mais on y revient. C’est comme les relations humaines qui évoluent et changent avec le temps, deviennent plus intenses, plus significatives.

Pour cette exposition, nous avons décidé d’explorer les années 2000 à travers les œuvres de votre collection. Un choix qui entre en résonance avec l’histoire de la collection puisqu’elle est initiée en 1999. Nous allons créer une genèse en montrant les œuvres selon leur année de création, ce qui va provoquer des rapports formels et conceptuels parfois évidents, parfois moins entre les œuvres. Un Louise Bourgeois qui rencontre un Sarah Lucas. Un Sarah Lucas qui rencontre un Franz West – ils étaient très amis par ailleurs. Des Christopher Wool avec des Josh Smith, un grand tableau d’Albert Oehlen face à une petite toile d’Edward Ruscha, etc. Quelle a été votre réaction quand nous vous avons proposé de nous concentrer sur les années 2000 ?

MS : Il est vrai que nous étions très actifs dans les années 2000, et à l’écoute. À Londres, il y avait Maureen Paley qui représente Wolfgang Tillmans, Sadie Coles, White Cube… On se repérait aussi grâce aux galeristes avec lesquels on avait des conversations soutenues.
FS : Je me souviens que tous les ans on retrouvait dans notre collection
des œuvres d’au moins trois des quatre artistes qui étaient nommés
pour le Turner Prize. Nous étions vraiment très en phase avec
l’actualité artistique.

Vous est-il arrivé de commander des pièces directement à un artiste ?

FS : Cela tient à cœur de notre curator, Anne Pontegnie qui a succédé à Andrew Renton en 2011. Nous sommes en train de construire un immeuble à Mayfair, juste à côté de la galerie Gagosian et j’avais envie d’y intégrer de l’art. Anne a pensé demander à Albert Oehlen d’y installer une œuvre. Cette commande s’est décidée de manière très informelle, lors d’un dîner où je lui ai parlé du projet. Il a proposé une mosaïque de 7,5 × 2,5 mètres qui intégrera cet immeuble qui sera achevé en février 2021. Nous sommes aussi en discussion avec Vivian Suter pour un projet dans la maison.

Vous vivez entourés par vos œuvres. D’ailleurs, dans l’exposition, il n’y a pas une œuvre avec laquelle vous n’avez pas vécu. La collection, si elle demeure exclusivement privée, est régulièrement présentée au public ?

MS : Chaque année, nous ouvrons la maison à l’occasion de Frieze
lors d’un petit-déjeuner. Cette idée nous a été proposée par Matthew Slotover, le cofondateur de Frieze, qui nous a convaincus. Il m’a posé la question : « Muriel, tu ne t’en rends pas compte mais vous êtes situés juste à l’entrée de Frieze. Tu nous as aidés pour la foire et pour Zoo4, pourquoi n’ouvres-tu pas la maison ? ». Je lui ai répondu qu’il s’agissait d’une collection privée qui n’intéresserait personne. Ce à quoi il a répondu : « Non, tu seras étonnée, tout le monde a envie de venir voir l’intimité d’un collectionneur. Essaie ! ». On a commencé avec un accrochage un peu thématique et cela fait une quinzaine d’années maintenant que l’on poursuit l’invitation. Après les deux premières fois, nous avons décidé de renouveler l’accrochage tous les dix-huit mois, jouant au curator dans notre maison. C’est une façon de voir et de vivre avec les œuvres ; des œuvres qui ne sont plus seulement là pour nous mais pour être partagées. Pour mieux les comprendre, il faut passer du temps avec elles. Depuis que la maison a été réaménagée par David Chipperfield pour en faciliter l’accès, nous accueillons un public plus large. Par petits groupes, bien sûr, parce que c’est quand même l’endroit où l’on vit. Nous avons décidé de changer un peu les modalités de ces visites, de cibler et de les ouvrir à un public différent afin de ne pas seulement prêcher à des convertis, sinon cela devient ennuyeux.
FS : Nous avons aussi accueilli plusieurs fois des artistes dans une
petite maison située juste derrière la nôtre, qui sert de bureau avec trois
chambres à coucher. On peut donc offrir une résidence aux artistes de
passage à Londres.
MS : On collabore aussi avec le Camden Art Centre, une institution au nord de Londres qui est notre associé local. Sans ce soutien, ils n’étaient plus en mesure d’inviter des artistes étrangers au sein de leur programme d’atelier en résidence.

Comment abordez-vous l’accrochage des œuvres dans ce cadre
domestique ? Y a-t-il certaines idées ou questions thématiques que vous souhaitez soulever à chaque fois ?

MS : Au tout début, quand nous travaillions avec Andrew, l’accrochage était pensé d’une manière thématique. Désormais, et depuis que Anne est à nos côtés, on s’autorise plus de libertés. Il faut vivre avec les œuvres. On commence donc souvent par les nouvelles acquisitions, en organisant l’installation en fonction d’elles et de la maison.

Certaines œuvres restent-elles plusieurs années, d’accrochage en
accrochage, ou renouvelez-vous systématiquement tout ?

MS : Nous avions l’habitude de changer toutes les œuvres, mais depuis
quelques années il arrive que certaines restent accrochées plus longtemps, parce qu’elles ont trouvé leur place ou qu’on n’arrive pas à s’en séparer. Par exemple, j’ai récemment décidé de déplacer une magnifique peinture de Frank Bowling d’une pièce à une autre pour pouvoir encore en profiter. Certaines œuvres reviennent souvent et nous manquent quand elles sont absentes trop longtemps. Elles finissent par constituer une certaine essence de la collection. Je ne crois pas que nous puissions vivre sans une œuvre de Christopher Wool ou d’Albert Oehlen, dont un certain nombre de leurs tableaux ont d’ailleurs été retenus pour l’exposition.

Qu’est-ce que cela vous apporte d’ouvrir votre maison ?

MS : Les visiteurs apportent un regard différent, une autre perspective, une autre histoire. Chacun a son interprétation, ses affinités.

L’autre manière de donner à voir la collection réside dans les prêts que vous faites aux institutions. Les œuvres sont toujours en circulation.

MS : Nous sommes bien sûr flattés de prêter à de grands musées ainsi qu’à de plus petites structures. C’est la raison d’être de la collection, sinon à quoi sert-elle ? Les œuvres doivent rester disponibles pour les artistes et le public.

Avez-vous pensé à ouvrir un lieu davantage accessible, comme une fondation ?

MS : Au départ oui, parce qu’on est plus inconscient quand on est jeune. Mais, surtout dans une ville comme Londres, plus j’avance en âge, plus je me dis qu’ouvrir une fondation est un exercice pour des ego plus grands que le mien.

Vous dites que votre collection a une responsabilité publique. À quel moment la décision de la rendre accessible, tout en restant dans l’espace privé, a-t-elle été prise ?

MS : On s’est rendu compte en ouvrant régulièrement cette maison à des groupes que cela était faisable. J’ai omis de vous dire que la collection que j’admire et qui a eu la plus grande influence sur moi est la collection Hoffmann, que j’ai découverte à Berlin lors d’une visite dans les années 1990 et dans laquelle j’ai puisé mon inspiration. Tout ce qui me plaisait était là, chez ce couple. Par exemple, je me souviens encore des œuvres d’Ernesto Neto qui envahissaient l’espace.
FS : La seule contrainte est la question de la sécurité, sans laquelle on ouvrirait beaucoup plus souvent au public qu’on ne le fait maintenant.
MS : Donc il est tout à fait possible d’avoir une collection privée et en même temps…
FS : … accessible et publique.

Concernant la question de la responsabilité publique, il y a les prêts, mais il y a aussi votre rôle auprès des institutions. Avez-vous déjà procédé à des donations d’œuvres ?

MS : Cela s’est produit récemment avec Anne Pontegnie. Après avoir examiné la collection, nous nous sommes rendu compte que certaines œuvres ne pouvaient plus être montrées dans ce contexte domestique. Ainsi, nous avons souhaité les donner à des organismes qui ont trop peu de moyens pour leurs acquisitions. La Contemporary Arts Society (CAS) et sa directrice Caroline Douglas nous ont aidés à structurer le don d’une douzaine d’œuvres d’artistes britanniques et étrangers à plusieurs institutions régionales du Royaume-Uni.

S’agit-il d’un accomplissement pour vous ? Commencer en 1999 par l’acquisition d’œuvres d’artistes britanniques pour s’inscrire dans un territoire, et vingt ans plus tard, voir ces créations intégrer des collections inaliénables et publiques, est-ce un geste important?

MS : Petit à petit… en continuant à faire les choses pour les bonnes raisons, avec la bonne vision, un jour tout s’aligne.

Avez-vous déjà présenté des œuvres de votre collection en dehors de votre maison londonienne ?

MS : Oui en 2013, à la Fundación Banco Santander à Madrid. D’ailleurs le titre de l’exposition était explicite : Cranford Collection. Out of the House ! Cette exposition se concentrait sur les artistes britanniques et allemands de la collection, en réponse à une invitation de la banque Santander qui expose régulièrement des collections privées internationales dans leur Fondation. Ils ont été très généreux, sans aucune restriction. L’exposition a eu lieu pendant ARCO, il y a donc eu des interactions avec le Prado, la Reina Sofía et beaucoup d’autres collectionneurs. Cette expérience madrilène nous a prouvé que la collection pouvait assumer d’être présentée dans un cadre institutionnel.

L’exposition au MO.CO. est donc la deuxième fois où la collection sera montrée au public ?

MS : Oui, et je suis très contente du contexte, d’exposer dans une cité universitaire, au sein de votre concept exceptionnel qui associe éducation – avec l’école des beaux-arts – et pratique – avec les lieux d’exposition. Je crois que vous allez nous apprendre des choses.

Quel futur envisagez-vous pour la collection ?

MS : Nous avons souvent cette discussion. La collection devrait avoir suffisamment de fonds pour nous survivre encore au moins deux ou trois générations. Tout dépendra de la sensibilité de celle qui arrive.
FS : On continue d’échanger avec Anne Pontegnie sur la direction à prendre maintenant, sur ce qui reste à faire et ce qui se passe autour de nous.

Quel est le dernier artiste à être entré dans la collection ?

MS : La dernière acquisition est un portrait de Lubaina Himid9, une artiste que nous suivons depuis cinq ans mais pour laquelle nous attendions l’œuvre qui nous conviendrait pleinement. Elle incarne ce vers quoi nous nous orientons actuellement : des artistes trop longtemps sous-estimés par manque d’information mais aussi de curiosité, présents mais souff rant d’un manque de visibilité car peut-être ne cadrant pas avec les grands récits de l’époque. Aujourd’hui, les récits sont multiples, c’est passionnant.

C’est une collection qui est aussi une œuvre de patience… Attendre la pièce qui vous parle, qui vous correspond. Ce n’est pas une boulimie.

FS : En effet, on n’achète pas des noms mais des œuvres.
MS : Nous étions avides au début, cela nous a permis de constituer une
collection. Maintenant les choix sont moins capricieux, plus réfléchis.
Le féminisme, la diaspora, le rapport à la nature sont des thèmes qui
ont fait leur apparition dans notre manière de regarder l’art.

Avez-vous des regrets ?

MS : J’aurais aimé avoir un grand portrait de Kippenberger.
FS : Un autoportrait.
MS : Ce qui nous manque ? Deux directions : Francis Bacon et Agnes Martin.

Entretien filmé avec Muriel Salem